Caporal Denis Perrier


Denis est né le 10 décembre 1966 à St-Jean-sur-Richelieu. Il est le cadet d’une famille de 5 garçons.


Lorsqu’il était petit, il rêvait d’être vétérinaire ou biologiste.  Mais les notes en science n’y étaient pas.  Jeune, il aimait déjà l’uniforme et l’esprit d’équipe. Il a été Louveteau pendant  3 ans puis Scout pendant 3 ans aussi.  Il a ensuite passé aux cadets de l’air, dont il a fait parti pendant  4 ans. À l’âge de 19 ans, il prend la décision de s’engager dans les Forces armées canadiennes et il entre au 2e bataillon du Royal 22e régiment. Il débute dans l’armée régulière avec comme objectif de faire parti des Forces spéciales.  Mais dès le début de son entrainement, il développe des douleurs articulaires. Malgré la douleur, il endure et empire son cas.


Sa première mission à l’extérieur du Canada est à Chypre en 1987, pour une mission de l’ONU. Il s’agit de son premier voyage à vie.  Il est stationné à Nicosie.  Il reste 7 mois à Chypre, dans le No Man’s Land. Ce fut pour Denis une mission somme toute assez tranquille, sauf pour l’intimidation que les soldats vivaient sur la frontière de la part des Forces opposées. Mais malgré cette intimidation, il a adoré sa mission. Lorsqu’il a des vacances, Denis peut profiter de l’île. Entre la frontière et le reste de l’île, c’est comme deux mondes différents.

Sa deuxième mission de déroule quelque mois plus tard en Norvège, pour l’exercice Brave Lion, le plus gros exercice à l’époque depuis la Deuxième guerre mondiale. Ce fut aussi une très bonne expérience pour Denis.


Lorsqu’il n’est pas en mission à l’extérieur, Denis est stationné à la Citadelle de Québec.  Là, entre autre travail, il monte la garde en rouge, celle où l’on voit les soldats habillé en rouge avec le chapeau de fourrure, où ils doivent rester immobiles, avec les gens qui essaient de les faire réagir. Denis a adoré cette expérience.


Après ses 3 premières années, il rêve d’aller en Allemagne rejoindre les autres soldats canadiens qui y sont déjà.  Son rêve est sur le point de se réaliser et il doit même partir bientôt.  Il est aussi temps pour lui de renouveler son contrat avec l’armée pour une plus longue période de temps.  Mais ses douleurs sont trop importantes et il doit prendre la difficile décision de sortir de l’armée. Denis vit alors un deuil.  Mais il ne peut pas faire autrement.  Pour tenter de se changer les idées et passer au travers de son deuil, il prend son sac à dos et part voyager pendant 7 mois.  Durant cette période, il visite 32 pays dont  plusieurs sont en guerre.  Il cherche cette adrénaline qu’il avait voulu avoir dans l’armée.  Il va en Irlande du Nord où sévit l’IRA, en Israël… c’est sa façon à lui de remplacer l’armée, de contrôler sa frustration de ne pas avoir fait ses 30 ans dans l’armée régulière comme il le voulait. 


À son retour de voyage, il a l’opportunité de devenir policier pour la ville de Longueuil.  Il y reste un an, puis passe à la police de St-Jean-sur-Richelieu et celle de Bedford. 


Mais avec la crise d’Oka en 1990, l’appel de l’armée se fait encore plus sentir.  Denis décide de faire des démarches pour pouvoir entrer dans la Réserve. Il y entre en 1991.  On le place avec le 4e bataillon du Royal 22e régiment à Laval. Il y reste pendant 26 ans, jusqu’en décembre 2016.  Il doit sortir pour des raisons médicales, sinon il y serait encore. 


En 1995, Denis est Policier à Montréal et Réserviste dans l’armée.  Se présente alors l’opportunité d’aller en mission en Bosnie. Sans hésiter, il demande une année sans solde à la Police de Montréal et quitte pour la Bosnie. Il s’agit d’une mission de l’ONU. Lors du génocide de Srebrenica en Bosnie, Denis est présent et même tout près de l’endroit où ont lieu les événements.  Durant ce génocide, les Serbes tuent près de 9000 personnes en 3 jours. Mais les militaires ne peuvent intervenir.  Ils sont là avec l’ONU,  intervenir ne fait pas parti de leur mission. Denis vit beaucoup de frustration par rapport à ça.  Pour lui, le rôle d’un soldat est d’aider, il s’attend à voir des renforts arriver et s’impliquer.  C’est incompréhensible pour lui qu’ils ne peuvent pas intervenir.  À son retour, frustré par la situation, il fait même une sortie médiatique à ce sujet. 


Mais l’événement le plus marquant pour Denis lors de sa mission en Bosnie s’est déroulé lors d’une patrouille avec son meilleur ami, Gerry, qui était aussi son superviseur et un Policier militaire.  Denis a été placé avec cette unité à cause de son expérience de policier, même si en théorie il fait parti de l’infanterie. Gerry et lui sont donc en patrouille dans un Jeep et, sans trop savoir comment, ils sortent de leur périmètre. Ils se retrouvent en zone Serbe.  En théorie, ils n’ont pas le droit de prendre de photos mais ils se retrouvent devant un beau paysage, ce qui est assez rare.  Gerry prend une photo et ils continuent leur chemin.  Un moment donné, en passant devant une base Serbe, ils se font embusquer et menacer par deux hommes Serbes cagoulés, à la pointe de fusils AK-47. Denis est au volant et son ami est passager.  Les deux hommes Serbes demandent à son ami de les suivre, puisque c’est lui qui a pris la photo.  Denis demande à son ami « Qu’est-ce qu’on fait?  On doit faire quelque chose ».  Mais Gerry, un grand homme bien bâti, lui dit de ne pas s’inquiéter.  Il s’attend à ce qu’on détruise son appareil photo et c’est tout.  Il quitte avec les Serbes.  Le temps passe, Gerry ne revient pas. Denis essai d’aller négocier avec les soldats à la barrière mais ils ne se comprennent pas, ne parlant pas la même langue.  Il essai de communiquer avec quelqu’un avec la radio, mais ils sont dans un endroit montagneux et il est incapable de rejoindre qui que ce soit.  Il essai d’aller chercher de l’aide au petit village situé tout près mais il ne trouve personne. Finalement, après 4 heures d’attente, son ami ressort, mais ce n’est plus le même homme.  Il a les yeux rougit, vitreux, il boite.  Visiblement, il a passé un mauvais moment.  Gerry monte à bord du Jeep et ils quittent les lieux. Denis le questionne, il veut savoir ce qui s’est passé, mais son ami refuse de le lui dire.  Denis fini par se stationner sur le côté de la route et insiste… Il doit savoir. Il s’est passé quelque chose de très grave. Gerry a été victime d’un viol collectif par les soldats Serbes.  Dans ces circonstances, sa grande taille n’a pas pu le protéger.  S’ensuit un moment de silence… puis le questionnement sur la suite.  Qu’est-ce qu’on fait?  Est-ce qu’on le rapporte?  Est-ce qu’on demande au moins de l’aide médical?  Gerry refuse.  Nous sommes en 1995 et à cette époque, les ressources disponibles ne sont pas les mêmes.  Il fait promettre à Denis de ne rien dire, jamais, à personne.  Pour lui, étant superviseur, il ne se voit pas exercer sachant que les autres sont au courant et le juge.  Il ne veut pas vivre ça.  Il ne veut pas que sa femme et ses jeunes enfants aient à vivre ça.  À contrecœur, Denis promet.

Quelques années après leur retour, Gerry se suicide.

Denis vit avec ce lourd secret pendant 17 ans.  Puis, ayant lui-même des problèmes de santé et de dépression, il fini par en parler. Il en parle d’abord à un psychiatre, puis s’ouvre à d’autres. Il réussit à faire honorer son ami en lui faisant obtenir la Médaille du sacrifice à titre posthume. Une bannière flotte à St-Jean-sur-Richelieu tous les ans de la fin octobre au Jour du Souvenir en l’honneur de son ami. Aussi, en tant que policier et accompagné d’un psychologue de service, Denis fait une tournée appelé « Tournée 5.0 ».  Cette tournée à pour but d’atteindre 5 ans sans suicide chez les policiers.  Ils rencontrent toutes les équipes et Denis leur parle de son expérience, leur dit de ne pas attendre avant de consulter.  Il a aussi l’occasion de faire des conférences pour les miliaires.  Denis utilise sa propre expérience pour aider les autres.  Et ça marche. Il s’est donné comme mission de prendre soin des vétérans.   


Aujourd’hui, en plus de son travail de policier, Denis est aussi pompier pour la municipalité de St-Jacques-le-Mineur. De plus, il fait parti de l’Ambulance St-Jean comme premier répondant médical. 


En l'honneur et en souvenir de son ami Gerry, Denis porte sur son uniforme la Croix du souvenir.  Celle-ci est remise par le gouvernement à trois membres de la famille du défunt, ou à des amis très très proches. Le choix des personnes qui recevront cette médaille est normalement inscrit dans le testamen par le militaire, s'il décède en devoir.  À l'arrière de cette médaille sont inscrit le nom de Gerry et quelques informations supplémentaires, pour se souvenir. 


Denis a su transformer ces expériences négatives en positif pour aider les policiers et les vétérans qui en ont besoin.  Se faisant, il continu d’honorer chaque jour la mémoire de Gerry. Il n’y a pas de plus beau lègue que celui d’aider les autres à passer au travers de leurs propres expériences difficiles.